La parole est une esquisse
La parole est une esquisse, cette lente barque des
mots traversant les paysages. Ce chant affirmant la
présence, tant d'autres égnigmes que le coeur n'entend
pas. Puis m'escorte la force du soleil dans les rues
quand je rejoins la périphérie, les terrains vagues où
rouillent des machines, où pourrissent des barques.
Savoir le nom de cette chose vers laquelle je marche.
Savoir le nom des phrasers qui appellent dans la nuit,
bouleversant le sommeil, enfiévrant la raison. Heureu-
sement dans la lumière de la maison, il est une table
qui accueille. Une table sur laquelle la lumière est en
paix Dans mon dos, je laisse ouverte la porte pour
qu'entrent les bribes, les rumeurs du jur, cette petite
barque qui n'est qu'une vision. Pourquoi suis-je resté
ainsi durant tant d'années dans la compagnie de cette
table, devant la fenêtre à regarder le ciel, à écouter le
silence, à préparer l'accueil ? Si j'avais réponse à ce
mystère, je ne serais pas celui que je suis devenu sans
le vouloir vraiment : un homme qui bégaie dans le
noir, aceptant son ignorance. Celui qui vit dans la
lumière du seuil, yeux grands ouverts sur ce qui vient
et ne vient pas contre les murs de sa maison. Celui
qui n'aime que l'inconnu, les lois affables du hasard,
l'innocence perdue.
Joël VERNET, L'adieu est un signe, Fata Morgana, p.57
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